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Judicia Avocats
Les Ordonnances du 22 septembre 2017 modifient profondément les relations individuelles et collectives de travail dans l’objectif affirmé de faciliter l’emploi et la compétitivité, promouvoir le dialogue social jusque dans les plus petites entreprises et sécuriser la rupture du contrat de travail.

 

A l’ambition de la réforme, s’accompagne l’impatience du réformateur : les mesures dévoilées le 1er jour de l’automne doivent pouvoir être appliquées dès cet hiver.

A cette fin, tous les Décrets d’application seront promulgués avant Noël.

Il est donc grand temps de prendre la mesure d’un texte dont les promoteurs n’hésitent pas à affirmer qu’il ouvre une nouvelle ère. Le Printemps déjà ?

 

I – La sécurisation de la rupture du contrat de travail.

Il faut admettre que la  réforme frappe fort !

Demain, l’employeur pourra rompre le contrat de travail en remplissant un simple formulaire CERFA. Le Décret d’application devrait proposer trois modèles selon que la rupture constitue un licenciement fondé sur un motif personnel ou un motif économique ou induit par un PSE.

Les motifs du licenciement pourront être ultérieurement précisés par l’employeur, soit de sa propre initiative, soit à la demande du salarié, ceci précisé que ce dernier ne pourra espérer obtenir la remise en cause de son licenciement pour insuffisance de motivation s’il ne sollicite pas préalablement son employeur.

Surtout, il n’a échappé à personne que les pouvoirs du Juge sont dorénavant encadrés par un barème d’indemnisation, permettant d’anticiper et d’encadrer le risque judiciaire. Ce barème sera toutefois écarté en cas de nullité du licenciement pour des motifs de harcèlement moral ou sexuel, discrimination ou violationd’une liberté fondamentale.

Enfin, le délai pour contester le licenciement devant le Conseil des prud’hommes est réduit à un an au lieu de deux ans.

En contrepartie, l’ancienneté minimale requise pour percevoir l’indemnité de licenciement est abaissée à 8 mois, et son montant revalorisé :

- 1/4 de mois par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans,

- 1/3 de mois par année d’ancienneté au-delà.

S’agissant du licenciement économique, les Ordonnances ont répondu aux souhaits des multinationales : les difficultés économiques et la recherche de reclassement sont désormais cantonnées au niveau national, à l’image de ce qui est prévu dans les autres législations européennes.

Enfin, last but not least, les Ordonnances créent un nouveau mode de rupture (mal) dénommé  « rupture conventionnelle collective ». Ainsi, l’employeur dispose dorénavant de la faculté d’organiser, par voie d’accord collectif, le départ volontaire des salariés sans faire état de difficultés économiques. La « rupture conventionnelle collective » devra toutefois être soumise à la DIRECCTE pour homologation avant sa mise en œuvre

 

II – Une nouvelle incarnation de la représentation du personnel

Là encore, la nouveauté prime : si la Loi Rebsamen avait permis aux mêmes élus d’animer les trois instances traditionnelles de représentation du personnel (CE, CHSCT et délégués du personnel), les Ordonnances vont plus loin en fusionnant celles-ci dans un seul Comité Social et Economique (CSE).

Impossible d’y échapper par voie d’accord collectif : les dispositions sont d’ordre public !

Le CSE pourra être mis en place à compter de la promulgation des Décrets d’application et, en tout état de cause, à compter du 1er janvier 2018, l’échéance du 1er janvier 2020 constituant le terme maximal de son entrée en fonction.

Le CSE n’est obligatoire que si le seuil de 11 salariés, au moins, est atteint pendant 12 mois consécutifs (et non  12 mois consécutifs ou non au cours des 3 années précédentes). De même, il disposera d’attributions élargies, similaires à celles anciennement dévolues au Comité d’Entreprise, si les effectifs excèdent 50 salariés pendant 12 mois consécutifs (et non 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 années précédentes).

Autrement dit, si l’effectif de 11 ou 50 salariés n’est pas atteint pendant un mois, le décompte de 12 mois redémarre à compter du nouveau dépassement du seuil !

En cas d’établissements distincts, un CSE est instauré au sein de chacun d’entre eux, un CSE central étant créé au niveau de l’entreprise. Toutefois, la définition et le nombre des établissements distincts sont dorénavant décidés par accord d’entreprise, ou, à défaut, entre l’employeur et le CSE à la majorité de ses membres élus, ou à défaut, par décision unilatérale de l’employeur. En cas de litige, l’Inspecteur du Travail tranchera, sa décision étant elle-même susceptible d’être attaquée devant le juge judiciaire.

Les membres du CSE sont élus pour 4 ans avec une réduction possible jusqu’à 2 ans par accord collectif. S’il est prévu que les membres du CSE ne puissent exercer plus de 3 mandats successifs, sauf dérogation prévue par accord collectif, un projet de Décret prévoit, toutefois, que cette règle ne peut réduire la durée totale des mandats successifs à moins de 12 ans.

Seuls les élus titulaires pourront siéger aux réunions du CSE, les suppléants n’y participant qu’en cas de remplacement.  L’employeur pourra être accompagné, pour sa part, de 3 collaborateurs.

Le CHSCT disparaîtra à l’horizon 2020.

Pour les entreprises dont les effectifs excèdent 300 salariés, il sera remplacé par une Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT). La CSSCT se verra confier par délégation du CSE tout ou partie des attributions du CHSCT, aux exceptions notables du droit à recourir à un expert et à exercer les attributions consultatives du CSE.

Pour les entreprises dont les effectifs se situent entre 50 et 300 salariés, le CSE traitera directement de ces sujets à l’occasion de 4 réunions minimales par an.

Bien naturellement, et conformément à l’esprit des réformes, un accord collectif pourra instituer une CSSCT pour les entreprises de moins de 300 salariés.

L’employeur pourra également mettre en place par voie d’accord d’entreprise :

- un ou plusieurs représentants de proximité dont les missions seront fixées par l’accord,

- un conseil d’entreprise qui se présente comme l’instance unique absolue : il aura les missions dévolues au CSE avec la faculté, en sus, de signer les accords d’entreprise !

 

III – La promotion de la négociation collective par accord d’entreprise.

Trois blocs sont distingués :

- Le bloc 1 qui institue une primauté d’office de la branche sur les accords d’entreprise dans 13 domaines : classifications, salaires minima hiérarchiques, égalité professionnelle femme/homme...

- le bloc 2 qui regroupe les 4 domaines pour lesquels la branche peut se réserver la primauté par une disposition expresse : primes pour travaux insalubres ou dangereux, effectif à partir duquel un DS peut être désigné...

- le bloc 3 qui comporte l’ensemble des autres thèmes, intégralement ouverts à la négociation par accord d’entreprise, lequel primera sur les dispositions de la branche même plus favorables...

Des accords d’entreprise pourront être conclus sur les thèmes du bloc 1 comme sur ceux « verrouillés » par la branche du bloc 2 : ils devront toutefois comporter des garanties au moins équivalentes à celles de la branche. En revanche, les accords d’entreprise conclus sur les autres thématiques pourront comporter des dispositions moins favorables qui primeront.

Ces nouvelles règles de primauté entrent en vigueur dès le 1er janvier 2018, ceci précisé que la généralisation de l’accord majoritaire est dorénavant fixée au 1er mai 2018.

Deux situations doivent être distinguées :

- Si l’accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives majoritaires, l’accord d’entreprise est valablement conclu.

- Si l’accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives représentant 30% des suffrages exprimés, les organisations syndicales disposent d’un mois pour soumettre l’accord à référendum. Dorénavant, l’employeur dispose également du droit de soumettre l’accord à référendum au terme du délai laissé aux organisations syndicales et en l’absence d’opposition unanime des syndicats.

Enfin, la négociation dans les entreprises sans délégué syndical est facilitée. Dans les entreprises de moins de 50 salariés sans délégué syndical, l’employeur peut négocier soit directement avec le personnel sous conditions, soit avec des salariés mandatés, soit avec le CSE par vote majoritaire.

 

 

Agence Keyrio